Bio-Inspired Situated Cellular and Unconventional Information Technology

Principe

L’objectif de l’équipe est d’étudier les propriétés qui émergent d’architectures de calcul non conventionnelles pour la réalisation ou le contrôle de systèmes autonomes persistants interagissant avec des environnements dynamiques complexes.

Notre principe fondateur est d’incarner l’informatique que nous étudions dans des systèmes physiques à la dynamique complexe où ils interagissent par le biais de flux continus d’entrées-sorties. Nos agents incarnés seront considérés comme des homéostats avec une physiologie artificielle construite sur une informatique non-conventionnelle car massivement parallèle, distribuée, décentralisée, avec des communications locales entre des unités simples. En effet, à l’instar de ce que suggère le monde animal et en accord avec la théorie de l’embodiment, nous pensons que ce type de couplage incarné au sein d’un système dynamique est le plus propice à faire émerger des fonctions «cognitives» structurantes. Pour cela, nous voulons doter notre architecture neuro-cellulaire de mécanismes d’adaptation et d’apprentissage non-supervisés pour favoriser, par auto-organisation, une modularisation et une spécialisation fonctionnelle nécessaires au développement de comportements intéressants.

Notre approche se décline en trois niveaux fortement interdépendants. Un axe neurocellulaire plus spécifiquement dédié à la question de la compatibilité de nos modèles avec les contraintes d’implémentation sur des architectures neuromorphiques matérielles. Un axe mécanismes plus fonctionnel qui étudie les mécanismes favorisant la spécialisation et modularisation par auto-organisation. Et un axe renforcement distribué qui s’appuie sur le cadre de l’apprentissage par renforcement pour moduler et guider les mécanismes d’adaptation à l’oeuvre dans les autres axes.

Objectif à long terme

Sur la base des principes évoqués ci-dessus, notre ambition est de permettre de définir, algorithmiquement et matériellement, des briques élémentaires de calcul peu différenciées qu’il est possible d’assembler et de structurer de différentes manières à la façon des briques Lego. L’ensemble est placé dans un flot de données sensorimotrices, les relations de voisinage des briques induisent les flux reçus et traités par chaque brique. Les ressources neuronales de chaque brique s’adaptent en continu aux flux reçus et les règles locales d’adaptation se traduisent au niveau macroscopique par l’émergence de comportements. De tels comportements émergents vont dépendre évidemment de la nature des calculs réalisés par chaque brique, mais surtout de l’architecture globale mise en place en assemblant les briques, et également des interactions du système avec son environnement. Ainsi, notre objectif ne réside dans la réalisation de fonctions cognitives précises, mais dans l’étude des mécanismes qui rendent possibles de telles briques de calcul, et à travers elles une façon exploratoire de la conception de systèmes de calcul décentralisés émergents.

La figure ci-dessus illustre cet objectif, avec l’idée de disposer de briques élementaires parmi lesquelles certaines sont associées à des modalités sensorimotrices précises. Toutes les briques instancient un substrat de calcul décentralisé et homogène. La liberté d’assemblage permet de définir une grande variété d’architectures. Les flux d’informations qui traversent chacune des briques dépendent de l’assemblage et des interactions avec l’environnement. Les mécanismes locaux d’adaptation modularisent et spécialisent peu à peu les calculs. Un comportement global émerge, dont seule l’expérimentation permet de caractériser la pertinence.

Méthodologie

L’exploration des propriétés et des capacités de cette informatique non-conventionnelle sera largement  expérimentale  car ces systèmes neuro-cellulaires sont difficiles à maı̂triser d’un point de vue mathématique, mais leur simulation à large échelle 1 permet d’exhiber des dynamiques riches, dont émergent des capacités calculatoires. Ce caractère émergent n’est pas explicitement spécifié dans les règles de la dynamique ni dans les connexions du système neuro-cellulaire, ce qui ouvre une voie, plutôt dissidente dans notre discipline, explorant une informatique où la spécification, locale, n’est pas directement liée à ce qui est attendu de l’algorithme. Autrement dit, étudier ces systèmes ne peut se faire qu’en les exécutant, ce
qui est une caractéristique de l’émergence.

Positionnement scientifique

Le projet scientifique que nous proposons d’articuler se situe au carrefour des systèmes complexes, du calcul neuromorphique, de la robotique et des neurosciences. Nous en proposons un point de vue informatique, en nous intéressant au calcul qui émerge de dynamiques complexes exhibées par des substrats neuro-cellulaires massivement distribués et décentralisés. Il ne s’agit pas de proposer une autre calculabilité, au sens de Turing, mais de mieux comprendre ce que peuvent calculer les systèmes auxquels nous nous intéressons.
Notre source d’inspiration privilégiée étant la nature, et en particulier les systèmes nerveux, les systèmes que nous considérons devraient être à même de calculer élégamment et efficacement le comportement d’un agent autonome situé au sein d’un environnement. Notre objectif n’est pas de modéliser tout ou partie du système nerveux central, mais de considérer le cerveau et plus généralement les systèmes vivants décentralisés comme une forme d’informatique, et d’en inférer des principes de calcul.